Réforme des retraites 2023 : quid de la pénibilité au travail ?

C’est un point de crispation concernant la réforme des retraites voulue par Macron : la notion de pénibilité au travail. Une prise en considération qui doit se faire individuellement ou collectivement ? Comment jauger et mesurer cette pénibilité ? Explications.

La réforme des retraites planifiée par Emmanuel Macron et présentée par Élisabeth Borne connait actuellement une très vive opposition, de la part de l’opinion publique d’une part mais bien sûr, également de la part des organisations syndicales. Et un des points qui fait parler c’est bien la notion de pénibilité au travail, qui, prise en considération, mesurée et officialisée, serait un levier pour permettre à certains travailleurs de voir leur âge de départ à la retraite avancer. [caption id="attachment_911" align="alignnone" width="300"] Réforme des retraites et notation de pénibilité au travail[/caption]

Comment la pénibilité est-elle prise en compte actuellement ?

Le Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité C3P

Aujourd’hui encore la pénibilité liée à une activité professionnelle se fait essentiellement à travers un compte professionnel de prévention appelé le C3P, qui a été crée en 2014. Comment ça marche ? C’est à l’employeur qui revient de déclarer l’exposition de ses salariés à certains facteurs de pénibilité comme le travail de nuit, les 3x8, l’exposition à des températures extrêmes… En 2014, la loi Touraine avait déjà allongé notre durée de cotisations pour la retraite à 43 annuités. Aujourd’hui Élisabeth Borne se place dans la continuité de ce projet et souhaite le poursuivre selon un calendrier imaginé par Emmanuel Macron. En 2014 également, le C3P a été créé. Le but est simple : permettre aux salariés concernés de cumuler des « points pénibilité » qui peuvent lui permettre par la suite de financer des formations, de passer en temps partiel sans baisse de salaire ou de partir à la retraite jusqu’à 2 ans plus tôt.

Qu’est-ce que la pénibilité selon le C3P ?

  • L’exposition à des « contraintes physiques marquées » comme la manutention manuelle de charges, les postures pénibles et prolongées, les vibrations…
  • L’environnement « physique agressif » : exposition à des agents chimiques, au bruit, à des températures extrêmes…
  • Les rythmes de travail décalés ou perturbants : travail de nuit, 3x8, travail en équipe et même le travail dit « répétitif »…
Bien sûr chaque critère de pénibilité est lui-même qualifié et quantifié par des seuils réglementaires, en termes de temps et d’intensité. En 2017 le C3P a été remplacé par le C2P et a été largement raboté. Emmanuel Macron n’aimait pas ce dispositif, appuyé par un Medef qui le trouvait trop compliqué à mettre en place. Le gouvernement Macron a donc pris des mesures en éliminant le terme même de pénibilité du dispositif C2P, en réformant son financement et en supprimant 4 facteurs de risques.

Pourquoi la notion de pénibilité est de nouveau au cœur du débat avec la réforme des retraites ?

Rétablir les critères du C3P

La réforme des retraites voulue aujourd’hui par Emmanuel Macron est l’occasion pour les organisations syndicales de remettre au cœur du débat la notion de pénibilité au travail et de réparer les injustices faites au C3P en 2017. Nous venons de le mentionner, 4 facteurs de risques ont été retirés du dispositif :
  • La manutention de charges
  • Les postures pénibles
  • L’exposition aux vibrations
  • L’exposition aux agents chimiques dangereux
Les syndicats n’en démordent pas eux : il faut réhabiliter ces 4 critères car ils doivent donner droit à des départs anticipés.

Une réforme qui veut faire un effort ?

Si le gouvernement a déjà annoncé qu’il ne réintègrerait pas les 4 critères du C3P, aujourd’hui C2P, il souhaite faire quelques « petits pas » en direction des salariés exerçant des métiers pénibles :
  • En réformant 3 seuils permettant de gagner plus de points notamment concernant le travail de nuit
  • En favorisant l’exposition à plusieurs pénibilités dont les points ne pouvaient pas se cumuler jusqu’à aujourd’hui
  • Les points cumulés pourront ouvrir des droits à un congé de reconversion professionnelle pour exercer un métier moins pénible en cours de carrière
  • Une « ouverture » du dispositif, qui, selon l’exécutif, permettrait au C2P d’accueillir 60 000 salariés concernés de plus
Des pas en avant qui restent largement insuffisants pour les organisations syndicales puisque force est de constater que le dispositif C2P n’est pas utilisé par les salariés : en 2022 seuls 11 367 salariés l’avaient utilisé pour 1.5 millions de de personnes concernées.

Le rôle de la médecine du travail

Le gouvernement souhaite mettre en place des dispositifs pour mieux cartographier les métiers pénibles dans chaque secteur d’activités. Les différentes branches professionnelles et les statistiques de la Sécurité Sociale sur les accidents du travail et les maladies professionnelles sont donc priées de se mettre en commun pour dresser la liste des métiers exposés à la pénibilité au travail. C’est également là que va intervenir la médecine du travail car c’est elle qui sera chargée de définir si un salarié peut partir plus tôt à la retraite du fait de la pénibilité de son travail. Lors du rendez-vous obligatoire dès l’âge de 45 ans, le médecin du travail pourra par exemple mettre en place un suivi renforcé ou des actions de prévention en direction d’un salarié. Même salarié, qui, dès 61 ans, pourra demander au médecin-conseil de la Sécurité Sociale la reconnaissance d’une inaptitude au travail ouvrant à un départ à la retraite à 62 ans au lieu de 64 ans.   [embed]https://www.youtube.com/watch?v=p8TOB3lCpJs[/embed]